Etre Pempoull ha Lokemo emañ gwele an Ankou.
Entre Paimpol et Locquémau se trouve le lit de la Mort.
L’Ankou est un personnage fascinant de Basse-Bretagne. Vieil homme décharné aux longs cheveux blancs ou squelette, vêtu d’un long vêtement noir un d’un linceul et coiffé d’une large chapeau noir de feutre sous lequel ses yeux brillent comme des chandelles, il vient prendre les vies, armé d’une grand faux dont le tranchant est extérieur : il ne fauche pas en ramenant à lui sa faux, mais en lançant celle-ci vers le malheureux qui lui est destiné.
La fonction d’Ankou est assez démocratique, pourrait-on dire, puisque c’est au dernier mort de l’année qu’elle échoie. Riche ou pauvre, l’Ankou ne fait pas de détail : il recrute sans distinction. L’on devient donc Ankou pour un an, lorsque l’honneur de mourir le dernier de l’année vous revient. L’Ankou a son caractère, et certains sont plus prompts à manier la faux que d’autres, fauchant alors plus qu’il n’y a de naissance. De cet Ankou-là, pas très conciliant, on dira : « War ma fé, eman zo un Ankou drouk » (Sur ma foi, celui-ci est un Ankou méchant).
L’Ankou, ouvrier de la Mort (mais pas la Mort elle-même), se déplace sur terre dans une charrette grinçante (garrig an Ankou). Malheur à celui qui en entend le bruit ! C’est le signe que lui, ou un membre de sa famille, va mourir prochainement. Une variante littorale ou îlienne évoque le bateau de nuit (bag noz), qui apparaît lorsqu’un naufrage doit se produire bientôt. Son équipage pousse des cris déchirants, propres à glacer le sang de ceux qui l’entendent.
Ce triste personnage figure sur bien des calvaires et dans les ossuaires des enclos paroissiaux de Basse-Bretagne. Anatole Le Braz, dans La légende de la Mort (1893), florilège de chansons, contes et légendes populaires relatives à la mort, en dresse un portrait effrayant.
Rien de tel pour se mettre dans l’ambiance que d’écouter une bonne histoire. Alors, pour vous, en voici quelques-unes.
Pierre Dubois, elficologue, nous raconte une histoire qui se déroule pendant la « nuit des Merveilles » et met en scène l’Ankou. | « L’Ankou et le forgeron », conte d’Anatole Le Braz, lu par Cécile Belluard. |
Et voilà une belle et triste chanson, L’Ankou des marins (paroles et musique de Dan Grall), en paroles et en vidéo, interprétée par Babord-Tribord (avec Dan Grall au chant et à la guitare, et Nicolas Brung à l’accordéon chromatique) pendant le Festival de chants de marins de Paimpol (2013) :
Daniel Grall – L’Ankou des marins par Marcspencer |
« La charrette de l’Ankou », Hervé Baslé et Antoine Gallien (1978), document Ina. |
Paroles de L’Ankou des marins
Lorsque la nuit se glisse entre lande et nuages Aussi noire que le brai au chaudron du calfat On le devine furtif naviguant sous l’orage Au milieu des écueils et des débris de bois
Refrain C’est l’Ankou des marins, silhouette sans âge Qui, sur les roches noires, moissonne les noyés C’est l’Ankou des marins qui guette le naufrage Pour conduire les âmes en baie des trépassés
Qu’ils aient été pêcheurs, marchands ou flibustiers Sur leur barque fragile ou sur leur grand trois-mâts Qu’ils fussent cousus d’or ou riches d’un seul denier Entre blé et chardon, la faux ne choisit pas
Les légendes d’Armor racontent que le vent Fait entendre le glas d’une ville engloutie Que cherchant le repos, les noyés vainement, Viennent quérir un linceul aux hameaux endormis
Toi qui est le complice de ce naufrageur d’âmes En allumant des feux aux grèves de Kerlouan Crois-tu qu’il te f’ra grâce du tranchant de sa lame Lorsque pour une épave tu quitt’ras les vivants
Éloigne-toi Morgane du bord de la falaise Il ne reviendra plus ton mat’lot de vingt ans Sens-tu ce vent glacial, les oiseaux qui se taisent Ce souffle sur ton cou… va il est encore temps…
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